Par Colin VEGAS
Chargé de recherche et développement au sein de la Société Française de Préparation Mentale, Colin nous partage son travail de recherche scientifique sur la thématique Haut Potentiel Intellectuel (HPI) dans le monde du travail.
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Reconnu pour la première fois par Terman (1947), le haut potentiel intellectuel (HPI) fait à ce jour l’objet d’une définition largement consensuelle au sein de la communauté scientifique, bien que des débats secondaires sur cette dernière définition continuent de faire vivre la littérature (Boschi et al., 2016; Grégoire, 2012; Liratni & Pry, 2011; Terriot, 2018; Vannetzel, 2009).
Concrètement, le HPI se définit par l’obtention d’un QI total largement supérieur à la moyenne, qui est égal ou supérieur à 130, ce qui concerne 2,3% de la population.
Ce QI total doit être obtenu via la réalisation de la dernière échelle d’intelligence de WESCHLER en date (à ce jour, WISC-V pour les enfants et adolescents, WAIS-IV pour les adultes), qui doit être conduite par un Psychologue (Terriot, 2018). Le HPI possède donc une définition statistique, mais qui repose sur un modèle théorique de l’intelligence validé scientifiquement et bien documenté, à savoir le modèle CHC (pour « Cattel-Horn- Caroll », les trois auteurs qui l’ont élaboré).
Ce modèle explique que notre intelligence humaine est organisée en 3 niveaux hiérarchiques. À savoir, les capacités cognitives étroites (niveau 1), pouvant être regroupées en différentes capacités cognitives générales (niveau 2), et ces différentes capacités cognitives générales constituent le « facteur g » qui représente l’intelligence de l’individu (niveau 3) ; (Carroll, 1993, 2003; Keith & Reynolds, 2010). Par exemple, la richesse du vocabulaire et le raisonnement verbal (capacités cognitives étroites) peuvent être regroupés dans la capacité cognitive générale nommée « compréhension verbale et connaissances », qui est l’une des composantes principales de l’intelligence, avec le raisonnement perceptif ou encore la vitesse de traitement, par exemple.
Le modèle CHC a servi de base conceptuelle à l’élaboration des échelles d’intelligences qui permettent de déterminer le QI total (WISC-V, WAIS-IV). Ainsi, ce QI « total » est le résultat des QI obtenus pour chaque capacité cognitive générale (appelée « indice ») évaluée par l’échelle. Ces QI sont issus des performances réalisées à différents subtests, comme vous pouvez le voir ci-dessous.
Le HPI se caractérise donc par un QI total égal ou supérieur à 130 qui peut être soit « homogène », soit « hétérogène ». Le QI total est homogène lorsque le QI dit « verbal» (indice de compréhension verbale uniquement) est similaire au QI dit « de performance » (issu des trois autres indices : raisonnement perceptif, mémoire de travail, vitesse de traitement). À l’inverse, le QI total est dit « hétérogène » lorsque le QI verbal est largement différent de celui de performance.
Attention, au-delà de sa définition formelle, il est important de comprendre qu’en pratique le diagnostic du HPI est plus complexe que l’unique calcul d’un QI total. Par exemple, il est abusif de conclure d’emblée qu’une personne n’est pas HPI si elle obtient un QI total de 127. Effectivement, peut-être que cette personne avait très mal dormi la veille et que sans cette qualité de sommeil dégradée elle aurait obtenu un QI total de 132.
Le fonctionnement intellectuel est soumis à l’influence notable de nombreux facteurs contextuels, comme le stress et la fatigue. Ces facteurs peuvent diminuer les performances aux tests et abaisser le QI total d’une personne comparativement à une situation d’évaluation où ces facteurs n’auraient pas été présents. Ainsi, face au cas de personnes ayant un QI total légèrement inférieur à 130, il appartient au Psychologue de conclure en la présence ou l’absence d’un HPI en fonction des données cliniques dont il dispose (ex : observations, verbatim), et en consultant éventuellement d’autres indicateurs statistiques d’intérêt (ex : intervalle de confiance du QI total).
Enfin, Joseph Renzulli, un scientifique français spécialisé dans la douance, a cherché à mieux comprendre l’émergence du HPI chez une personne. Selon ses travaux, une personne HPI aurait d’une part des prédispositions pour traiter, stocker et restituer des connaissances variées efficacement, et d’autre part des traits de personnalité traduisant d’un haut niveau de motivation, d’une forte tendance à la persévérance et à l’acharnement (Renzulli, 2006). C’est la combinaison de ces deux composantes (prédispositions mnésiques et traits de personnalité) qui favorisait le développement du HPI (Renzulli, 2006; Renzulli, 2005). Néanmoins, de prochaines investigations scientifiques sont nécessaires pour approfondir l’origine du HPI, qui est un sujet particulièrement complexe.
Quelles particularités engendrerait le HPI sur le comportement et le fonctionnement global d’un individu ? C’est probablement l’une des questions qui a alimenté le plus vivement l’engouement sociétal autour du HPI, allant jusqu’à lui donner une connotation aussi mystérieuse qu’attractive. Pour preuve, de nombreux sites internet médiatiques, témoignages ou livres ont cherché à mettre en avant les caractéristiques propres aux HPI. Si cette initiative est louable et participe à la reconnaissance du HPI au sein du grand public, il n’en demeure pas moins qu’elle est responsable de la création et de la contagion d’un ensemble de fausse croyance sur le HPI. Ces fausses croyances sont des informations sur le HPI qui n’ont à ce jour aucune validité scientifique et qui peuvent par conséquent desservir sa compréhension ainsi que sa prise en charge.
Voici une liste non exhaustive de fausses croyances relatives au HPI (en notant que certaines d’entre elles pourraient plus tard devenir des connaissances valides, ou pas, selon les progrès de la science) :
Attention, cela ne veut pas dire que les personnes HPI ne sont jamais confrontées à ses difficultés ou particularités dans leur fonctionnement, mais plutôt que ces dernières ne seraient pas provoquées par le HPI lui-même. Par exemple, un adolescent HPI peut tout à fait éprouver des difficultés scolaires pour des raisons qui ne sont pas en lien avec le HPI (troubles de la vue ou de l’audition, encadrement parental fragile).
Ces fausses croyances sont notamment alimentées par ce que l’on appelle « le biais de représentativité », en ce sens que la plupart des HPI visibles (ayant fait l’objet d’une consultation chez un Psychologue) sont ceux qui présentent le plus de difficultés dans leur vie quotidienne, et qui deviennent ainsi « la vitrine » des personnes HPI en général, y compris de celles qui vont bien et qui n’éprouve pas ces difficultés.
Pour continuer votre lecture et en savoir plus sur les caractéristiques propres aux personnes HPI, ainsi que sur la manière dont elles peuvent être accompagnées en entreprise, vous pouvez acheter notre ebook “Approche scientifique du Haut Potentiel Intellectuel (HPI). Définition, caractéristiques, implications et recommandations managériales”.
Vous avez des questions sur la thématique du Haut Potentiel Intellectuel (HPI) ?
La Société Française de Préparation Mentale dispose de nombreux outils pour répondre à vos besoins, n’hésitez pas à nous contacter.
Boschi, A., Planche, P., Hemimou, C., Demily, C., & Vaivre-Douret, L. (2016). From High Intellectual Potential to Asperger Syndrome : Evidence for Differences and a Fundamental Overlap—A Systematic Review. Frontiers in Psychology, 7. https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fpsyg.2016.01605
Carroll, J. B. (1993). Human Cognitive Abilities : A Survey of Factor-Analytic Studies (1re éd.). Cambridge University Press. https://doi.org/10.1017/CBO9780511571312
Carroll, J. B. (2003). Chapter 1 – The Higher-stratum Structure of Cognitive Abilities : Current Evidence Supports g and About Ten Broad Factors. In H. Nyborg (Éd.), The Scientific Study of General Intelligence (p. 5‑21). Pergamon. https://doi.org/10.1016/B978-008043793-4/50036-2
Clobert, N., & Gauvrit, N. (2021). Psychologie du haut potentiel : Comprendre, identifier, accompagner (1er édition). DE BOECK SUP.
Grégoire, J. (2012). Les défis actuels de l’identification des enfants à haut potentiel. ANAE Approche Neuropsychologique des Apprentissages chez l’Enfant, 25, 419.
Keith, T. Z., & Reynolds, M. R. (2010). Cattell-Horn-Carroll abilities and cognitive tests : What we’ve learned from 20 years of research. Psychology in the
Schools, 47, 635‑650.
Liratni, M., & Pry, R. (2011). Enfants à haut potentiel intellectuel : Psychopathologie, socialisation et comportements adaptatifs. Neuropsychiatrie de l’Enfance et de l’Adolescence, 59(6), 327‑335. https://doi.org/10.1016/j.neurenf.2010.11.005
Quilez-Robres, A., González-Andrade, A., Ortega, Z., & Santiago-Ramajo, S. (2021). Intelligence quotient, short-term memory and study habits as academic achievement predictors of elementary school : A follow-up study. Studies in Educational Evaluation, 70, 101020. https://doi.org/10.1016/j.stueduc.2021.101020
Renzulli, J. (2006). Qu’est-ce que le haut potentiel et comment peut-on le développer chez l’enfant et l’adolescent ? Bulletin de psychologie, Numéro 485(5), 463‑468. https://doi.org/10.3917/bupsy.485.0463
Renzulli, J. S. (2005). The Three-Ring Conception of Giftedness : A Developmental Model for Promoting Creative Productivity. In Conceptions of giftedness, 2nd ed (p. 246‑279). Cambridge University Press. https://doi.org/10.1017/CBO9780511610455.015
Terman, L. M. et al. (1947). Genetic Studies of Genius, 4 vols. Vol. I, Mental and physical traits of one thousand gifted children, 1925; Vol. II, The early mental traits of three hundred geniuses, 1926; Vol. III, The promise of youth, 1930; Vol. IV, The gifted child grows up, 1947. Stanford University Press.
Terriot, K. (2018). Front the theoretical definition of high intellectual potential (HPI) to its practical consequences. ANAE – Approche Neuropsychologique des Apprentissages chez l’Enfant, 30, 265‑270.
Vannetzel, L. (2009). « Mon enfant est-il surdoué ? » Que demande-t-on ? Pratiques Psychologiques, 15(3), 327‑341. https://doi.org/10.1016/j.prps.2008.07.003
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