Société Française de Préparation Mentale

Préparation mentale et esprit d’équipe

Par Elodie Delaunay

Préparatrice mentale accréditée par la Société Française de Psychologie du Sport, diplômée d’un Master STAPS EOPS SEPHN à l’INSEP / Paris Descartes et titulaire d’un diplôme d’état de psychomotricité, Elodie nous partage son expertise sur le lien entre la préparation mentale et le développement de la culture d’équipe dans le milieu du sport.

Partager l'article sur les réseaux sociaux :

Facebook
Twitter
LinkedIn

Le préparateur mental au service de la culture d’équipe en sport

Au sein d’un collectif, les thématiques sur lesquelles intervient souvent le préparateur mental sont le leadership, la gestion du stress collective, la cohésion de groupe ou encore la communication interpersonnelle. Mais le préparateur mental peut également favoriser le développement de la culture d’équipe. Cruikshank & Collins (2012) en se référant aux affirmations les plus récentes de la psychologie du sport, de la psychologie sociale et des études organisationnelles, définissent la culture d’équipe comme un processus dynamique caractérisé par des valeurs partagées, des croyances, des attentes et des pratiques entre les membres et générations du groupe défini.

Les fondements de la culture d’équipe

Selon Schein (cité dans Henriksen, 2015) chaque groupe fait face à deux problématiques fondamentales. La première, survivre et se développer dans un environnement en évolution constante. La seconde, conserver la fonctionnalité du groupe par l’intégration interne. La culture de groupe émerge alors comme un ensemble de solutions, valeurs et actions contribuant à la résolution de ces problématiques et s’intégrant à la culture. Pour Schein (cité dans Cole & Martin, 2018), la culture dépend de 4 éléments fondamentaux :
– La stabilité, c’est-à-dire que la culture et ses valeurs associées sont constantes et difficiles à modifier malgré le roulement interne.
– L’ampleur c’est-à-dire que la culture est présente à tous les domaines de fonctionnement de l’organisation de haut en bas.
– La profondeur c’est-à-dire lorsque la culture est ancrée dans tout ce que fait le groupe et que les valeurs influencent les décisions sans être mises en œuvre consciemment.
– L’intégration c’est-à-dire le degré de cohésion entre les comportements, les valeurs et les rituels.
Lorsque la culture est pleinement intégrée, elle n’est plus remise en question par le groupe. Les échanges au sein du groupe façonnent et affinent la culture tandis que la culture stabilise ces échanges (Schein, dans Henriksen, 2015).

A quoi sert la culture d’équipe dans le sport ?

La culture est pour Cole & Martin (2018) l’un des éléments les plus importants du succès stratégique et devrait donc être identifiée afin de mieux la gérer. D’ailleurs, une culture forte stimulerait la performance en façonnant et coordonnant le comportement des membres de l’équipe ; cela en se concentrant sur les valeurs et les normes et en guidant leur comportement et leur prise de décision (Johnson, Martin, Palmer, Watson & Ramsey, 2012). De plus, une forte cohésion et alchimie au sein d’une équipe (Gould, Guinan, Greenleaf & Chung, 2002) et son unité (Greenleaf, Gould & Dieffenbach, 2001) influenceraient positivement la performance d’athlètes olympiques. Enfin, Henriksen, Stambulova & Roessler (2010) ont montré en étudiant l’équipe nationale danoise de 49er en voile, qu’une culture organisationnelle forte et cohérente était une force stabilisatrice de l’environnement sportif lorsqu’il y a une adéquation entre les valeurs adoptées et les valeurs appliquées. Or, l’environnement sportif étant une source de stress organisationnel pour les athlètes (Fletcher & Hanton, 2003), la culture organisationnelle pourrait soulager ce stress en leur permettant de se centrer sur la performance (Henriksen, 2015).

esprit d'équipe

Y a-t-il des prérequis ?

D’après Cole & Martin (2018), la culture doit être reconnue comme un pilier essentiel. Ils ajoutent qu’une structure organisationnelle horizontale contribuerait à faciliter un environnement propice à l’épanouissement du leadership collectif.

Par ailleurs, les entraîneurs doivent se saisir de ce processus de création de culture d’équipe (Schroeder, 2010) et les membres doivent croire aux valeurs choisies par l’équipe et s’impliquer dans leur création (Barker, cité dans Cole & Martin, 2018).

Comment un préparateur mental peut-il intervenir sur cette thématique ?

Pour avoir l’exemple d’un protocole d’intervention en psychologie du sport vous pouvez vous référer à l’étude d’Henriksen (2015) auprès d’athlètes élites en course d’orientation. L’étude de Schroeder (2010) est également très intéressante en expliquant comment les entraîneurs ont les moyens d’influer sur la dynamique de la culture de leur équipe.

Dans ce paragraphe je vous présente une façon d’intervenir. Il est évident que cela s’effectue sur plusieurs séances et s’adapte en fonction du sport, de l’âge des athlètes, du contexte, de la place du préparateur mental (pleinement intégré au staff et à l’équipe ou extérieur venant répondre à une demande) …et ne représente pas tout ce qu’il est possible de faire.

De mon point de vue le préparateur mental doit permettre à l’équipe (athlètes et staff) d’être acteurs de la construction de leur propre culture. Il ne doit pas orienter ou porter de jugements sur les valeurs, les objectifs, les règles de fonctionnement…discutées et choisies par l’équipe. S’il fait partie intégrante du staff, il doit embrasser la culture de l’équipe et donc également apporter sa pierre à l’édifice. La parole de chaque membre du groupe a la même importance, tout le monde doit donc être écouté et respecté. Pour débuter le développement d’une culture d’équipe il me semble important de déterminer l’objectif commun poursuivi par l’ensemble du groupe, qui les motive et les unisse. Le groupe peut alors déterminer une devise qui leur ressemble et les rassemble. Puis chaque membre du groupe peut identifier les valeurs qui sont importantes pour lui au sein d’un groupe, et un partage collectif permet de choisir les valeurs les plus importantes à conserver. Sur le même principe, le groupe détermine les valeurs associées à leur sport qu’il est important pour eux de mettre en avant et de cultiver. C’est à partir de l’ensemble de ses valeurs que l’ensemble des acteurs pourra décider des règles de fonctionnement du groupe.

esprit d'équipe

Les différentes règles découlant des valeurs doivent être assorties d’un ensemble d’actions permettant de les faire vivre mais aussi de les faire respecter. Par exemple, si le groupe choisit la ponctualité, la ou les règles associées pourraient être : arriver à l’heure à chaque entraînement, se présenter toujours avec un minimum de tant de minutes d’avance avant de prendre le bus pour partir en compétition etc… Pour agir en ce sens, chaque membre doit se responsabiliser mais aussi favoriser la responsabilisation des autres. Dans le cas cité il s’agira par exemple de se mettre des rappels pour arriver à l’heure, envoyer des messages aux membres du groupe pour leur rappeler les horaires d’entraînement etc…La question est alors que se passe t’il si la règle est enfreinte ? C’est également au groupe de décider. A mon sens cela peut prendre deux formes : la punition ou la réparation. La réparation est, je pense, la plus utile au groupe. Si un athlète arrive en retard à un entraînement l’angle punitif pourrait être d’aller faire plusieurs tours de terrain, l’angle de la réparation pourrait être de venir plus tôt au prochain entraînement afin de préparer le matériel, les gourdes pour chacun des athlètes etc…

Ensuite il est important que le groupe détermine ses ressources c’est-à-dire ceux vers quoi et/ou qui il peut se tourner dans la réalisation de son projet/ses objectifs. Enfin le groupe imagine un symbole/surnom qui le représente, c’est un complément de l’emblème de l’entité sportive à laquelle il est rattaché. L’ensemble de ce travail pourra alors être affiché sous forme de blason et de charte dans les différents espaces sportifs (vestiaires, club-house…). Pour faire perdurer ce travail, il s’agira de faire vivre au quotidien ces valeurs en favorisant par exemple l’émergence de rituels (rituels d’avant-match…), de mentorat entre les anciens membres du groupe et des entrants…Il sera également important d’impliquer les leaders formels et informels de l’équipe afin de mettre en place un leadership collectif (Johnson, Martin, Palmer, Watson & Ramsey, 2012). Il faudra alors procéder à l’identification des leaders informels. Pour cela il peut s’avérer utile d’utiliser les quatre critères évoqués par Stein (1975) à savoir :

– l’harmonie c’est-à-dire la contribution à une atmosphère de groupe conviviale et chaleureuse.
– la sympathie c’est-à-dire la mesure dans laquelle un membre du groupe est apprécié par les autres.
– la coordination c’est-à-dire le fait de diriger le groupe en coordonnant ses efforts sur le projet.
– la participation c’est-à-dire la quantité relative de temps passé à s’exprimer.
Enfin, à noter, que le style de leadership dit transformationnel serait le plus efficace pour mettre en place et influencer une culture (Cole & Martin, 2018).

Est-il possible de mesurer le développement de la culture d’équipe ?

Il n’est pas simple de mesurer l’efficacité d’une intervention de développement d’une culture d’équipe. Cependant des outils comme le Questionnaire d’Ambiance de Groupe (Heuzé & Fontayne, 2002), validé scientifiquement et version française du Group Environment Questionnaire (Carron, Wydmeyer & Brawley, 1985) peut s’avérer utile et intéressant pour mesurer la cohésion d’un groupe. Ce questionnaire comporte 18 items (dont certains inversés), évalués sur une échelle de type Likert de 1 « fortement en désaccord » à 9 « fortement en accord ». Il comporte 4 facteurs : l’attraction opératoire pour le groupe, l’intégration opératoire pour le groupe, l’attraction sociale pour le groupe et l’intégration sociale du groupe. Les deux premiers permettent d’évaluer la dimension de la cohésion opératoire, les deux suivants la dimension de la cohésion sociale.

Pour conclure

Le préparateur mental et/ou le psychologue du sport ont un rôle à jouer dans la développement et l’intégration d’une culture d’équipe forte et cohérente au sein des entités sportives. S’ils sont d’ailleurs pleinement intégrés au sein d’un staff et d’une équipe, ils doivent eux aussi embrasser cette culture, la valider et s’y retrouver. Par ailleurs, il apparaît important et nécessaire que les préparateurs mentaux se forment et se questionnent sur ces sujets afin de mettre en place des interventions efficaces en se référant notamment aux recherches en psychologie du sport et en psychologie sociale.

Vous souhaitez :

  • Etre accompagné(e) en préparation mentale ?
  • Apprendre à utiliser l’imagerie mentale ? 
  • Découvrir notre méthode RALEENTIR© de méditation, développement personnel et relaxation ?

La Société Française de Préparation Mentale dispose de nombreux outils pour répondre à vos besoins, n’hésitez pas à nous contacter.

Pour toute question concernant l’article, n’hésitez pas à contacter Elodie à l’adresse mail suivante : elo.delaunay@pathway-developer.fr

Références scientifiques associées

Carron, A. V., Widmeyer, W. N., & Brawley, L. R. (1985). The development of an instrument to assess cohesion in sport teams: The Group Environment Questionnaire. Journal of Sport Psychology, 7(3), 244–266.

Cole, J., & Martin, A. J. (2018) Developing a winning sport team culture: organizational culture in theory and practice. Sport in Society, 21:8, 1204-1222, DOI: 10.1080/17430437.2018.1442197

Cruickshank, A. & Collins, D. (2012). Culture Change in Elite Sport Performance Teams: Exami-ning and Advancing Effectiveness in the New Era. Journal of Applied Sport Psychology. 24. 338-355. 10.1080/10413200.2011.650819.

Fletcher, D., & Hanton, S. (2003). Sources of organizational stress in elite sports performers. Sport Psychologist. 17(2), 175–195.

Gould, D., Guinan, D., Greenleaf, C., & Chung, Y. (2002). A survey of U.S. Olympic coaches: Va-riables perceived to have influenced athlete performances and coach effectiveness. The Sport Psycho-logist. 16, 229-250.

Greenleaf, C., Gould, D., & Dieffenbach, K. (2001). Factors influencing Olympic performance: In-terviews with Atlanta and Nagano U.S. Olympians. Journal of Applied Sport Psychology. 13, 154–184.

Henriksen, K., Stambulova, N., & Roessler, K. K. (2010). A holistic approach to athletic talent deve-lopment environments: A successful sailing milieu. Psychology of Sport and Exercise. 11, 212–222. doi:10.1016/ j.psychsport.2009.10.005

Henriksen, K. (2015) Developing a High-Performance Culture: A Sport Psychology Intervention From an Ecological Perspective in Elite Orienteering, Journal of Sport Psychology in Action. 6(3), 141-153, DOI: 10.1080/21520704.2015.1084961

Heuzé, J., & Fontayne, P. (2002). Questionnaire sur l’Ambiance du Groupe: A French-Language Instrument for Measuring Group Cohesion, Journal of Sport and Exercise Psychology, 24(1), 42-67.

Johnson, T., Martin, A. J., Palmer, F. R., Watson, G. & Ramsey, P. (2012). Collective Leadership ; a Case Study of the All Blacks. Asia-Pacific Management and Business, Application 1 (1), 53–75. doi:10.21776/ub.apmba.2012.001.01.4

Schroeder, P. 2010. Changing Team Culture: The Perspectives of Ten Successful Head Coaches. Journal of Sports Behaviour. 33 (1), 63–87.

Stein, R. 1975. Identifying Emergent Leaders from Verbal and Nonverbal Communications. Journal of Personality and Social Psychology. 32 (1), 125–135. doi:10.1037/h0076842